1
Par contraste, rapporte Chardin, « les habits
des Orientaux ne sont point sujets à la
mode. Ils sont toûjours faits d’une même façon » (t. IV,
p. 147). Voir ci-après, note 9.
2
« C’est la mode qui est le veritable demon,
qui tourmente toûjours cette Nation », écrit Cotolendi (p.
424) ; voir La Bruyère, Les
Caractères , « De la mode », p. 505-539. De semblables remarques se trouvent chez le
« philosophe persan » de Jean Frédéric Bernard :
« Il faut que les Ennemis de l’Alcoran, ayent la cervelle bien
foible & bien derangée : puis qu’ils sont capables de se donner
tous les jours la torture, à chercher de nouveaux embellisemens à leurs
corps. […] Ce désir bizarre tourmente autant les Chrétiens que l’intérêt
& l’ambition. » (Réflexions morales,
1711, « Cinquième fragment du philosophe persan », p.
205-206) Sur la querelle du luxe, cf. Lettre 103.
3
L’Amérindienne, coiffée de plumes, est un motif pictural répandu à
l’époque : voir deux allégories de l’Amérique, de Philip
Tideman (vers 1696) et Francesco Bertos (vers 1710-1730).
4
La Princesse Palatine note le 14 janvier 1688 : « A la cour
personne ne porte des fichus ; mais les coiffures deviennent plus
hautes de jour en jour […] » (Lettres de la
Princesse Palatine , Paris, Mercure de France, 1985,
p. 77-78). Les écrivains ne cessaient de se moquer des coiffures
relevées sur le sommet de la tête, mises à la mode par M lle de Fontanges. La Bruyère écrit que la mode
« fait de la tête des femmes la base d’un édifice à plusieurs
étages, dont l’ordre & la structure changent selon leurs
caprices » (Les Caractères, « De la
mode », p. 521). Cette mode est assimilée au siècle précédent,
comme le dit l’article « Fontange » de l’ Encyclopédie : « Ce fut dans le dix-septieme
siecle, je ne dirai pas une parure, mais un édifice de dentelles, de
cheveux, & de rubans à plusieurs étages, que les femmes portoient
sur leurs têtes. » (« Fontanges (Modes
) », t. VII, 1757, p. 105b).
5
« Le roi a raconté à table aujourd’hui qu’un homme du nom d’Allart,
coiffeur de son métier, a fait en Angleterre aux dames des coiffures
tellement élevées qu’elles n’ont pas pu s’asseoir dans leurs chaises à
porteurs ; que là-bas toutes les dames, pour suivre la mode
française, ont fait exhausser leurs chaises […] » (Lettres de la Princesse Palatine , ibid.).
6
Voir les Lettres 50 et 107.
7
Comme on en voit la preuve avec le personnage central (de dos, en rose)
de
L’Enseigne de Gersaint
de Watteau (1720), les robes volantes ou battantes, mises à la
mode par M me de Montespan lors de ses grossesses
et revenues en faveur après la paix d’Utrecht (1713), pouvaient se
combiner avec une invention plus récente (1718), celle des paniers, tout
aussi utiles pour cacher les tailles qui s’arrondissent. Le même tableau
montre deux autres dames (en noir et noir et blanc) vêtues d’une
toilette plus traditionnelle, qui au contraire souligne la taille (voir
Madeleine Delpierre, Se vêtir au
xviii
e
siècle, Paris, Adam Biro, 1996,
p. 22-23). « Tout le corps d’une femme est déguisé
diversement, & l’on n’apperçoit ni sa taille, ni ses traits,
qu’alors qu’on la surprend à la toilette », remarque Jean Frédéric
Bernard (Réflexions morales, « Cinquième
fragment du philosophe persan », p. 209).
8
« Avoir des dents » est évidemment un signe de jeunesse et de
beauté : « Regardez-la bien, elle est fraîche, elle a des
dents, de l’embonpoint, & de la douceur dans le regard. »
(Marivaux, Le Cabinet du philosophe, VIII e feuille, 1734 ; rééd. Prault, 1752, p.
410). Mais on a peut-être aussi là le souvenir d’un
« bon mot » du cardinal d’Estrées, qui « dure
encore » selon Saint-Simon (année 1714, t. IV, p. 915).
Le roi se plaignant devant lui « de l’incommodité de n’avoir plus
de dents », le cardinal, qui montrait volontiers les siennes, qu’il
avait encore fort belles à un âge avancé, lui répartit : « Des
dents, Sire, qui est-ce qui en a ? » Les dents gâtées de la
duchesse de Bourgogne avaient peut-être aussi incité les dames plus
favorisées à ne pas trop montrer un tel avantage.
9
Chardin dans sa préface insistait sur l’immobilité des institutions
persanes : « Il n’en est pas de l’ Asie
comme de nôtre Europe, où l’on change plus
ou moins ce qu’on appelle les Modes, soit pour
les Habits, soit pour les Bâtimens, soit pour toute autre chose. En Orient, il n’en est pas ainsi. L’on y est
constant presqu’en tout & partout. Les Habits y sont coupez &
façonnez encore aujourd’hui, comme ils étoient il y a plusieurs
siecles ; ce qui fait croire, qu’en cette Partie du Monde, les
Formes exterieures des choses, les Mœurs, les Habitudes, les manieres
même de parler, étoient à peu près les mêmes il y a deux mille ans,
qu’elles y paroissent encore aujourd’hui, à la réserve peut-être de ce
que les Revolutions de Religion y peuvent avoir apporté de changement,
ce qui n’est pas fort considerable. » (t. I, Préface, f. 9 r.). Cf. L’Esprit des lois, XIV, 4 (« Cause de
l’immutabilité de la Religion, des mœurs, des manieres, des Loix, dans
les Pays d’Orient. »).
10
Le mot critique peut signifier « un
censeur, qui reprend les fautes d’autruy, & qui en remarque
les defauts avec malignité, ou avec trop de severité » (
Trévoux , 1704). On ne sait si Rica désigne quelqu’un en
particulier ; le texte de 1758 n’est pas plus clair.
11
Cf. L’Esprit des lois , XIII, 27, où la
question sera envisagée seulement sous l’aspect politique, et XIX ;
mais les mœurs, participant de « l’esprit général », y sont
données au contraire comme facteur de continuité.
12
Cf. Essai sur les causes (OC, t. 9, p. 254) : l’éducation
générale est produite, entre autres, par « cette espece d’emanation
de la façon de penser de l’air et des sottises de la cour et de la
capitale qui se repandent au loin. ».