1
La déesse Fortune était associée par les Grecs aux événements qui
arrivent par accident ; chez les Romains elle était dispensatrice
des biens et des grâces. Eusèbe et Plutarque lui donnent des
ailes ; « les Romains ôtèrent les ailes à la Fortune »
(Montfaucon, L’Antiquité expliquée et représentée
en figures , 1719, t. I, II e
partie, livre II, chap. X).
2
Allusion aux gains extraordinaires de certains traitants qui seront
menacés par la chambre de justice mentionnée ensuite.
3
Expression relativement récente, semble-t-il, attestée en 1699, Du Fresny
consacrant le onzième de ses Amusements sérieux et
comiques à ce personnage promu au rang de type (Paris,
Veuve Barbin, 1707, p. 218) On la retrouvera au singulier dans les Pensées (n o
1387 : « Si un nouveau riche va d’abord batir une
maison superbe il offensera les yeux de tous ceux qui la verront »)
et au pluriel dans la Lettre 126
.
4
L’expression désigne les fermiers généraux qui recouvrent les impôts au
nom du roi. La concentration des fermes (qui prendra sa forme définitive
en 1726) s’est faite progressivement au xvii
e siècle, sous l’impulsion de Colbert,
renforçant considérablement la position des bénéficiaires. Faute de
disposer d’une banque centrale susceptible de lui consentir des avances,
l’État était tributaire d’un système de crédit généralisé et vivait sous
la dépendance des financiers.
5
Les manieurs d’argent étaient souvent décrits comme des gens de basse
origine indûment enrichis. Pourtant, comme l’a montré Yves Durand dans
Les Fermiers généraux au
xviii
e
siècle (Paris, PUF, 1971 ; réédition
Maisonneuve et Larose, 1996), de nombreux financiers étaient nobles
(même si cette noblesse était récente), et le plus souvent issus de la
bonne bourgeoisie. Voir ci-dessous, notes 9 et 10.
6
Par un édit d’août 1716, fut créée à la demande du duc de Noailles et
sous la pression de l’opinion publique, une chambre royale de justice,
de même qu’il y en avait eu, toujours pour des raisons spéciales, en
1597, 1601, 1625 et 1661. Cette juridiction extraordinaire avait pour
mission de sanctionner les délits relatifs aux finances de l’État :
il s’agissait de taxer les financiers, de châtier les plus coupables des
traitants pour intimider les autres, et de frapper l’opinion en
dissimulant la banqueroute partielle de l’État. En fait la réaction est
telle qu’elle est supprimée dès mars 1717, le mois de cette lettre, en
raison du basculement de l’opinion devant ses procédés
spectaculaires : appel aux délateurs, encouragements aux
particuliers à s’associer aux révisions de comptes (voir Daniel Dessert,
Argent, pouvoir et société au Grand siècle
, Paris, Fayard, 1984, p. 246). Dans ce « climat de
terreur organisée contre les financiers », ceux-ci restèrent
cependant fort calmes : leur vie n’était g énéralement
pas menacée et des transactions (laissées à l’arbitraire du ministre)
devaient finalement permettre de régler toutes les affaires. S’il y eut
peu de condamnations à mort ou d’exils volontaires (ibid., p. 246-257), il faut relever néanmoins qu’un ami
de Montesquieu, Berthelot de Pléneuf, avait dû se réfugier en Italie.
7
L’originalité de l’expression est supprimée, sans doute par
inadvertance, dans l’édition de 1758.
8
Voir la fin de la Lettre 61
(« on badine au Conseil »). Allusion possible au duc Adrien
Maurice de Noailles (1678-1766), président du conseil des finances de
1715 à 1718 ; Saint-Simon le décrit comme « gaillard, amusant,
plaisant de la bonne et fine plaisanterie, mais d’une plaisanterie qui
ne peut offenser ; fécond en saillies charmantes » ; il
avait « le don de créer des choses de riens pour l’amusement, et de
dérider et d’égayer même les affaires les plus sérieuses et les plus
épineuses, sans que tout cela paraisse lui coûter rien »
(t. IV, p. 363). Montesquieu lui-même en donne un exemple dans
le Spicilège , nº 587. La Table des matières de 1758
l’identifie sans hésitation avec le « N*** » de la Lettre 132.
9
Sur ce cliché littéraire, voir Lettre 46, note 5.
10
L’ascension sociale est en train de devenir un cliché et un thème
littéraire ; elle est déjà amorcée dans les premières parties de
Gil Blas en 1715 et s’accélère
notablement dans celles de 1724 et 1735. Voir Turcaret (1709) également de Lesage, que Frontin conclut
ainsi (acte V, scène 14) : « Voilà le règne de M. Turcaret
fini ; le mien va commencer. ».
11
Le mot, rapporté plusieurs fois par Saint-Simon, est dû à M me de Grignan, à propos de sa propre bru, fille du
fermier général Saint-Amand : « M me de
Grignan, en la présentant au monde, en faisait ses excuses, et, avec ses
minauderies […] disait qu’il fallait bien de temps en temps du fumier
sur les meilleures terres. Elle se savait un gré infini de ce bon mot
qu’avec raison chacun trouva impertinent, quand on a fait un mariage, et
le dire entre bas et haut devant sa belle-fille. » (Année 1704,
t. II, p. 523 ; voir aussi Additions
au Journal de Dangeau , ibid.,
p. 1084, nº 538, du 21 août 1705). La fille de Crozat l’aîné,
receveur des finances à Bordeaux, avait enrichi en l’épousant en 1707 un
petit-neveu de Turenne (voir Yves Durand, Les
Fermiers généraux au xviii
e
siècle
, Paris, PUF, 1971 [réédition Maisonneuve et Larose, 1996],
p. 350-351). Deux cas parmi d’autres, tant le phénomène est
répandu ; il frappe les contemporains, suscite hostilité ou
moquerie, sans pour autant rencontrer une opposition systématique dans
l’aristocratie (ibid., p. 354-356).