1
Elle est décrite par Chardin (t. IX, p. 206) ; le nom en sera donné à l’eunuque noir
destinataire de la Lettre Supplémentaire 1.
2
L’abbé Gaultier proteste (Les Lettres persanes
convaincues d’impiété, p. 44
) contre l’allusion à l’extase de saint Paul (II Corinthiens, XII, 1-4).
3
« Confusion de toutes choses, qui estoit avant que Dieu les eust
rangées dans l’ ordre où elles sont. » (Académie , 1694).
4
Position essentiellement cartésienne : Dieu est le primum mobile « qui de sa Toute-puissance a creé la
matière avec le mouvement & le repos, & qui conserve maintenant
en l’univers, par son concours ordinaire, autant de mouvement & de
repos qu’il y en a mis en le creant » (Descartes, Les Principes de la philosophie, II e
partie, § 36 ; Catalogue , nº
1438 : Paris, 1659, p. 84). Montesquieu avait été tenté par l’hypothèse, tendant au
matérialisme, du « mouvement general de la matiere » dans
l’ Essai d’observations sur l’histoire naturelle
(1718-1719 ; l’expression apparaît trois fois : OC, t. 8, p. 207, 212, 213),
expression d’un « cartésianisme rigide » qui exclut la
Providence, avant de formuler expressément en 1723 dans le Mémoire
sur le principe et la nature du mouvement l’idée que le
mouvement est essentiel à la matière (OC,
t. 8, p. 265) ; il s’opposera alors aux Principes de la philosophie dont il expose
ici des thèses essentielles. Voir Denis de Casabianca, « Descartes » et « Matière », Dictionnaire
Montesquieu .
5
Ce qu’Usbek présente ici comme l’opposition de deux acceptions
différentes du mot loi, sera résolu dans la
formule initiale de L’Esprit des lois
: « Les loix, dans la signification la plus étendue,
sont les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des
choses » (I, 1).
6
Implicitement, cette proposition à résonance déiste exclut tout miracle
(voir note 9 ci-dessous). Il s’agit d’un principe épicurien
explicité par Bayle : la création du monde est « la suite des
Loix éternelles & nécessaires du mouvement des principes
corporels » (Dictionnaire historique et
critique , « Epicure », rem. U, 1720, t. II,
p. 1085). Le même principe est explicite dans la philosophie
cartésienne (troisième partie des Principes de la
philosophie ) et celle de Malebranche (Méditations chrétiennes et métaphysiques,
VII
), qui voudrait cependant le réconcilier avec les miracles.
7
Plus exactement tout corps qui se meut : il
s’agit de la « seconde loy de la nature » selon Descartes, ou
principe d’inertie, d’où dérive la force centrifuge (Principes de la philosophie , II e partie, § 39), la « seconde » loi que donne Usbek dans la
proposition suivante.
8
Usbek s’en tient ici à un seul principe de la mécanique cartésienne, le
principe d’inertie, plutôt que de développer en entier les « cinq
ou six » vérités évoquées un peu plus loin, d’où dérive toute la
science moderne.
9
Assertion remarquable (d’ailleurs relevée par Gaultier, p. 51
) où Usbek, jouant sur l’ambiguïté des mots, fait passer tous les
miracles, prodiges,
et merveilles du côté de la science ; mais
il s’agit de la découverte de lois tout à fait régulières dans la nature
et non pas d’exceptions surnaturelles à son cours ordinaire. La vérité
révélée cède le pas à la raison et à la science.
10
Ce qui paraît d’abord une hyperbole renvoie aux nombreuses expériences
sur le poids de l’air et la pression atmosphérique qui en résulte, de
Robert Boyle (Exercitationes de atmosphaeris
corporum consistentium , 1673 ; Catalogue , nº 1412 : Opera varia, Genève,
1714) ou Robert Hooke, inventeur de baromètres et anémomètres, à Edme
Mariotte (De la nature de l’air, 1679 ;
Catalogue , nº 1499 : Leyde, 1717), en passant bien sûr par Pascal.
11
Le sujet était à la mode au tournant du siècle. Les expériences de
Philippe de La Hire pour mesurer la quantité de pluie qui tombe en une
année sont rapportées dans le Journal des savants
en 1695, 1699 et 1703 ; voir Lettre 123, note 10. Ces exemples de connaissances
répondant à des pouvoirs qui dans l’Ancien Testament sont réservés à
Dieu, on comprend que l’homme s’en est emparé : « Qui est
celui qui a mesuré les eaux dans le creux de sa main, et qui, la tenant
étendue, a pesé les cieux ? » (Isaïe, XL, 12) ; « Qui a comté le sable de la mer, les
goutes de la pluie & les jours de la durée du monde ? Qui a
mesuré la hauteur du ciel, l’étendue de la terre, & la profondeur de
l’abîme ? » (Ecclésiastique, I, 2). Les adunata traditionnels
sont devenus possibles.
12
Plusieurs s’étaient penchés sur la question de la vitesse du
son ; l’ Encyclopédie donnera
plusieurs valeurs proposées : 968 pieds par minute selon
Newton, 1200 selon Boyle, 1474 selon Mersenne (Jaucourt,
« Son (Physique ) »,
t. XV, 1765, p. 344).
13
Le Journal des savants rapporte en 1676 la
démonstration faite par Olaüs Roemer (Olav Römer, ou Ole Rømer),
astronome danois (1644-1710), à partir d’observations d’un satellite de
Jupiter, selon laquelle la lumière peut traverser l’espace de trois
millions de lieues en moins d’une seconde. « M. Roemer & M.
Newton ont mis hors de doute par le calcul des éclipses des satellites
de Jupiter, que la lumière du soleil emploie
près de sept minutes à parvenir à la terre », conclura D’Alembert (
Encyclopédie , « Lumière (Optique ) », t. IX, 1765, p.
719). Montesquieu possédait le Traité
de la lumière (1690) de Christian Huygens (Catalogue , nº 1767).
14
Saturne avait beaucoup retenu l’attention des astronomes dans les années
1660 et 1670, les calculs et observations de Huygens et de Cassini en
particulier ayant paru dans le Journal des Savants
en 1669, 1672 et 1677 ; voir le Systema Saturnianum de Huygens, 1695. « La distance
du Soleil à Saturne, qui est la planète la plus éloignée, n’est que
trois cent trente millions de lieues », rapporte Fontenelle dans
les Entretiens sur la pluralité des mondes,
précision donnée dans des éditions tardives : voir par
exemple celle de 1724, p. 171- 172
Voir la Satire VIII de
Boileau : « N’est-ce pas l’Homme enfin, dont l’art audacieux /
Dans le tour d’un compas a mesuré les Cieux ?/Dont la vaste science
embrassant toutes choses,/A foüillé la nature, en a percé les
causes ? » (p. 63) L’ Encyclopédie donne
comme distance moyenne entre Saturne et le soleil 326 925 demi-diamètres
de la Terre, et de la Terre à Saturne 21 000 demi-diamètres
(« Saturne (en astronomie) »,
t. XIV, 1765, p. 694b).
15
Bernard Renau d’Eliçagaray (1652-1719) avait publié en 1689 sa Théorie de la manœuvre des vaisseaux (Catalogue , n o
1754) ; Huygens y avait relevé une
« erreur » théorique, ce que devait contester Renau dans une
série de lettres parues dans le Journal des savants
en 1695 et 1697. Voltaire commentera : « On sçait
aujourd’hui, après les longues disputes de Mr Hughens & de Mr
Renaud, la détermination de l’angle le plus avantageux d’un gouvernail
de Vaisseau avec la quille ; mais Christophe Colombe avoit
découvert l’Amérique sans rien soupçonner de cet angle. » (Lettres philosophiques, 1734, Lettre 24,
p. 123) Il sera question de cet ouvrage entre Montesquieu &
le président Barbot en 1734 (OC, t. 19,
lettre 416).
16
Audace ultime de cette lettre. L’adoucissement prudent de
l’expression dans la variante de 1758 est peut-être une réaction
à la critique acerbe de Gaultier sur tout ce passage (Les Lettres persanes
convaincues d’impiété , p. 44-57).
17
Formule ambiguë qui reprend peut-être la notion paulinienne de
l’inspiration verbale des hommes par Dieu : « […] ç’a été par
le mouvement du saint esprit que les saints hommes de Dieu ont
parlé. » (II Pierre, I, 21) Les disputes continuaient sur la nature de la parole
sacrée. Chardin rapporte que les Mahométans croient le style du Coran
miraculeux : « Les Mahometans, en vuë
de l’Elegance de l’ Alcoran, l’appellent un miracle courant, c’est-à-dire continuel, pour
faire entendre que chaque phrase a une beauté surnaturelle »
(t. X, p. 52).