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« Au reste le chocolat, le thé, & le caffé, sont extrêmement à
la mode, mais le caffé est preferé aux deux autres, comme un remede
qu’on dit être souverain contre la tristesse […] » (Cotolendi,
« Traduction d’une lettre italienne, écrite par un Sicilien à un de
ses amis », p. 424). Connu en Europe depuis le milieu du xvii
e siècle, le café avait fait l’objet à
l’Académie des sciences d’un mémoire de Jussieu lu en 1713, à une époque
où Montesquieu en fréquentait les séances publiques (Histoire de l’Académie royale des sciences. Année MDCCXIII,
Paris, Imprimerie royale, 1739, p. 291
-299). Les cafés, qui diffèrent des tavernes plus populaires où
l’on servait du vin, se répandent d’abord à Londres, puis à Paris à la
fin du xvii
e siècle. Dans ces lieux de sociabilité se
retrouvent les beaux esprits et la bohème littéraire (voir ci-dessous
note 4). En 1694, dans une pièce intitulée Le
Café, Jean-Baptiste Rousseau évoque le public qu’on a
l’habitude d’y rencontrer.
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Plusieurs centaines en 1720, d’après Gérard-Georges Lemaire, Les Cafés littéraires, Paris, Georges Veyrier,
1987.
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Les échecs ont également connu une vogue croissante, ce dont témoigne
l’érudit Nicolas Fréret, ami de Montesquieu, qui consacre à ce jeu une
dissertation lue lors d’une visite du roi à l’Académie des inscriptions
et belles-lettres (juillet 1719 ; Histoire de
l’académie royale des inscriptions et belles-lettres,
t. III, 1731 [Amsterdam, Changuion, t. III, 1731, p.
375-388]). L’origine orientale des échecs y est soulignée.
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Comme au Procope, fondé par Procopio Coltelli en 1684 et situé rue des
Fossés-Saint-Germain (actuellement rue de l’Ancienne-Comédie), dans le
prolongement de la rue Dauphine où Montesquieu habitait jusqu’en 1721
(voir « Les domiciles bordelais […], OC,
t. 18, p. 444), face au jeu de paume de l’Étoile,
où la Comédie Française s’installa en 1689. Fréret et l’athée Boindin
étaient réputés y tenir leurs quartiers. Mais ce peut être tout aussi
bien au Gradot ou au café de Poincelet : sur l’importance des
cafés, où se réunit le parti des Modernes, voir Noémi Hepp, Homère en France au
xvii
e
siècle, Paris, Klincksieck, 1968,
p. 702-704. Le mépris d’Usbek pour ces beaux esprits qui
fréquentent les cafés est aussi celui que manifeste Voltaire dans Le Bourbier (1714) : témoignage
supplémentaire du peu d’estime dans lequel sont tenus alors les gens de
lettres ; voir René Pomeau et alii, Voltaire en son temps I
(D’Arouet à Voltaire), Oxford, Voltaire Foundation, 1988,
p. 69.
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Montesquieu revient plusieurs fois sur la Querelle d’Homère (1714-1716)
dans les Pensées (n os 116,
894, 895, 1681, 2252 ; voir aussi parmi les Textes recueillis dans les Pensées
les « lettres persanes » consacrées à Homère et aux
relations entre paganisme et poésie, Ms 2519) : voir Yves
Touchefeu, « Écrivains grecs », Dictionnaire
Montesquieu . Voir Homère en France au
xvii
e siècle , notamment
p. 629-772 ; Homère en France après la
Querelle (1715-1900) , Françoise Létoublon et Catherine
Volpilhac-Auger dir., Paris, Champion, 1999, notamment Salvatore Rotta,
« L’Homère de Montesquieu », p. 141-148 ; Christophe
Martin, « “L’esprit parleur”. Montesquieu lecteur d’Homère,
Virgile, Fénelon et quelques autres », dans Montesquieu, œuvre ouverte (1748-1755) ? , Catherine
Larrère dir., Naples, Liguori, Cahiers Montesquieu
9, 2005, p. 271-291, et « “Nos mœurs et notre religion
manquent à l’esprit poétique”. La poésie des “temps héroïques” selon
Montesquieu », dans
Du goût à l’esthétique : Montesquieu
, J. Ehrard et C. Volpilhac-Auger dir., Pessac, Presses
universitaires de Bordeaux, 2007, p. 79-103. Voir Marc Fumaroli,
« Les abeilles et les araignées », p. 196-218, dans
La Querelle des Anciens et des Modernes
, Anne-Marie Lecoq éd. (Paris, Gallimard, « Folio »,
2001), et les extraits p. 450-555. Voir aussi Lettre 71, note 1.
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La Querelle s’est soldée en fait par la victoire des Modernes contre des
Anciens « qui manquent d’assurance et d’habileté » (Homère en France au xvii
e siècle ,
p. 728 ; voir aussi p. 708), mais le débat est resté
« flou », tendant plutôt au dialogue de sourds (p. 712 et
suiv.). La question esthétique est donc restée peu intéressante dans
cette deuxième phase de l’affrontement des Anciens et des Modernes, mais
« si on se place du point de vue de l’histoire du goût dans son
rapport avec l’histoire sociale, rien de plus curieux que cette affaire,
la plus parisienne et la plus moderne des disputes qui ont occupé
l’opinion publique sous l’Ancien Régime ». Et de fait les échos en
ont été considérables dans l’opinion (p. 688 et suiv.).
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Les Irlandais, catholiques exilés après la chute de Jacques II en 1689,
et réputés grands disputeurs, comme l’atteste l’ Histoire de Gil Blas de Santillane de Lesage (1715),
chap. i. Le Collège des Irlandais,
installé dans l’ancien collège des Lombards depuis 1677, était situé en
plein « pays latin », dans la rue des Carmes, parallèle à la
rue de la Montagne Sainte-Geneviève.