1
Sur la cherté du vin à Paris, voir Roger Dion, Le Vin
et la Vigne en France (Paris, 1997), et plus spécialement les
chapitres XV et XVI
.
2
L’interdiction par l’islam des boissons fermentées (Coran, p. 32
; sourates II, 216 ; voir aussi sourate V, 92) frappe
particulièrement Montesquieu : voir Pensées
, n os 778 (« La tradition
mahometane contenant la raison pour laquelle Mahomet deffendit l’usage
du vin n’est pas plus vrai que n’ont coutume d’être les autres
traditions populaires »), 1158 (« Mahomet qui avoit este
marchand rendit un grand service a sa patrie en deffendant le vin il fit
boire a toute l’Asie le vin de son pais, raison tres bonne pour faire sa
loy, s’il y avoit pensé »), et L’Esprit des
lois, XIV, 10. Cependant Chardin rapporte que les Persans
« aiment […] à boire du vin, sur tout la
Cour, & les gens d’Epée. Quand nous leur
demandons comment il se fait qu’ils aiment tant le vin
, que leur Religion interdit si fort, ils répondent que cela se
fait comme chez nous l’Yvrognerie & la Paillardise » (Chardin,
t. VII, p. 108).
3
Chardin donne des exemples : voir t. VI, p. 22
-23. Il dit ailleurs que « le Roi de Perse
defunt […] étoit quelquefois yvre trois ou quatre jours de
suite » (t. VII, p. 106). Voir aussi l’épisode où il fait couper les mains et
les pieds à deux personnes qui lui ont déplu dans son ivresse
(t. III, p. 100-101). « En effet, quand le Roi
est en colère, ou dans le vin, personne autour de lui n’est sûr de
ses biens ni de sa vie. Il disgracie Ministres
& Favoris d’un moment à l’autre. Il fait
couper les mains & les pieds, le nez & les oreilles, il fait
mourir, tout cela au moindre caprice, & tel est la victime de sa
fureur, à la fin de sa débauche, qui au commencement en étoit le plus
cher Compagnon. » (t. VI, p. 19
-20).
4
« Le Vin & les Liqueurs enyvrantes sont defendues aux Mahometans ; cependant il n’y a presque personne qui ne
boive de quelque Liqueur forte. Les gens de
Cour, les Cavaliers, & les débauchez boivent du Vin ; & comme ils le prennent tous comme un remede
contre l’ennui, & que les uns veulent qu’il les assoupisse, &
les autres qu’il les échaufe & les mette en belle humeur, il leur
faut du plus fort & violent […] » (Chardin, t. IV,
p. 200-201).
5
Dans un chapitre intitulé « Des liqueurs douces & fortes »,
Chardin décrit l’emploi du café, de l’opium, et des boissons enivrantes
(t. IV, p. 197-211) : « Pour les gens graves, qui
s’abstiennent du Vin comme défendu &
illicite de soi, quand même on n’en prendroit qu’une goute, ils
s’échaufent & se mettent en humeur avec le Pavot
, quoi qu’il enyvre beaucoup plus fort, & plus funestement que
le vin. » (ibid.,
p. 203).
6
Image conforme à celle que l’époque se faisait de Sénèque, stoïcien
rigide, alors qu’il apparaîtra plus tard comme un « stoïcien
mitigé » (Diderot, Essai sur les règnes de Claude
et de Néron, 1782, I, §13). Montesquieu possédait toute
l’œuvre de Sénèque, en latin et dans la traduction de Du Ryer (
Catalogue , n os
1547-1555) ; dans le catalogue de La Brède sont
représentés (mais depuis quelle époque ?) différents courants
d’interprétation, depuis le stoïcisme chrétien de Puget de La Serre (
L’Esprit de Senèque, ou les plus belles pensées
de ce philosophe , 1657, Catalogue
, nº 1558) jusqu’à la dénonciation de l’orgueil stoïcien,
notamment par Malebranche (Senault, De l’usage des
passions , 1660, Catalogue ,
nº 1546, exemplaire ayant appartenu à Malebranche ; voir
Recherche de la vérité, II e
partie, chap. iii et iv), qui y voit une méconnaissance de
l’union de l’âme et du corps. Le Discours sur
Cicéron (c. 1717 ; OC, t. 8, p. 128) témoigne
précisément de cette défiance envers le Sénèque traditionnellement
reçu : « […] on sera degoûté pour toujours de Seneque et de
ses semblables, gens plus malades que ceux qu’ils veulent guerir, plus
désesperés que ceux qu’ils consolent » ; mais Catherine
Larrère a montré comment, à partir de la pensée de Cicéron, Montesquieu
développe une réflexion authentique sur le stoïcisme (« Le
stoïcisme dans les œuvres de jeunesse de Montesquieu », dans Montesquieu. Les années de formation , C.
Volpilhac-Auger dir., Naples, Liguori, Cahiers
Montesquieu 5, 1999, p. 163-183).
7
« Ce mot signifioit autrefois Médecins
» (Richelet, 1680, « Phisiciens »).
8
Le café étant bien connu en Europe (voir Lettre 34), s’agit-il du coquenar
, décoction de pavot que Chardin présentait cependant de manière
défavorable (t. III, p. 177) ? C’est plus vraisemblablement une
« decoction de chanvre » qui « procure [aux Orientaux]
des idées si agréables et des plaisirs si vifs qu’ils sont pendant
quelques heures comme hors d’eux-mêmes », mais les jette ensuite
dans la léthargie (Essai sur les causes, OC, t. 9, p. 242-243).
9
Après la double distillation qui transforme l’esprit naturel en esprit
vital (au niveau du cœur), puis en esprit animal (au niveau du cerveau),
d’après la théorie galénique (et cartésienne) des esprits animaux.
10
Machine désigne le corps, surtout dans un
contexte qui l’oppose à l’âme.
11
La question de l’interaction entre « l’âme » et le corps avait
déjà intéressé Montesquieu en 1717 (Sur la différence
des génies ; texte perdu : voir Pensées, nº 1192 (entre 1735 et 1739), et C.
Volpilhac-Auger, «
Sur la différence des génies
. Essai de reconstitution, Revue
Montesquieu n o 4, 2000,
p. 226-237, ici p. 232-233) ; elle sera reprise dans l’
Essai sur les causes (1736-1739), et
bien sûr dans L’Esprit des lois. Mais elle n’est
pas nouvelle : elle repose sur la lecture de Galien.