1
Les eunuques noirs, réputés plus repoussants d’aspect, sont destinés
à effrayer et à imposer l’autorité du maître (voir Lettre 4 : « ce monstre
noir »). Ils subissaient parfois une mutilation complète, les
eunuques blancs quelquefois seulement l’ablation des testicules
(voir Introduction, « Le cas du
sérail »). Voir L’Esprit des lois
, XV, 5 : « Il est si naturel de penser que c’est
la couleur qui constitue l’essence de l’humanité ; que les
peuples d’Asie qui font des Eunuques, privent toujours les Noirs du
rapport qu’ils ont avec nous d’une façon plus marquée ».
2
Le mot n’apparaît que comme expression de l’autorité : les
plaisirs ne sont mentionnés au paragraphe suivant qu’à titre de
divertissements. Montesquieu tire quasiment toute son information de
Chardin, mais l’image est conforme à l’image traditionnelle de
l’Orient, lieu d’opulence. Le sérail en représente la
quintessence : « Le grand Luxe des
Persans est en leurs Serrails, dont la dépense est immense, par le nombre des
femmes qu’ils y entretiennent & par
la profusion que l’amour leur fait faire. Les riches habits s’y renouvellent continuellement, les Parfums s’y consument en abondance, &
les femmes étant élevées & entretenues à
la plus molle & la plus fine volupté, elles mettent tout leur
artifice à se procurer les choses qui la flatent, sans se soucier de
ce qu’elles coutent. » (Chardin, t. IV, p. 165). Selon la même source, c’est par erreur que
« nous avons attaché une idée de Luxure » au mot sérail, car il n’est à proprement parler que
l’habitation du maître (t. VIII, p. 191).
3
Sur le rapprochement possible entre sérail et couvent, voir Pauline Kra,
Religion in Montesquieu’s « Lettres
persanes » , Oxford, Voltaire Foundation, SVEC, 1970, p. 187-204, et « The role
of the harem in imitations of Montesquieu’s Lettres
persanes », ibid., SVEC, 1979, p. 273-283.
4
La leçon erronée de 1758, conforme à celle que portent les éditions
contrefaites à partir de 1721, ainsi que plus loin « néant d’où
je », montrent que cette édition n’a pas été particulièrement
soignée.
5
Cf. Lettre 9 : « Il
y a entre nous comme un flux & un reflux d’empire & de
soumission […] ».
6
Sur les relations d’Usbek avec ses eunuques, voir notamment Lettre 39 ; sur
l’autorité des eunuques, voir Lettre 9.
7
Voir Lettre 32.
L’assimilation entre les eunuques et les prêtres catholiques contraints
à la chasteté était suggérée par Fontenelle, « Extrait d’une lettre
écrite de Batavia » (ou Relation de l’île de
Bornéo), publiée par Bayle dans les Nouvelles de la république des Lettres , janvier 1686,
p. 88-92 (Catalogue , nº
2568).
8
« En termes de Guerre […] on dit, Faire main basse
, quand on ne donne point de quartier. » (Furetière, 1690,
art. « Bas »).
9
Voir à la Lettre 45 la note
5, sur le courouc.
10
Quoique propre et net
soient plus ou moins synonymes, se définissant par opposition à sale, la « propreté » visée ici ne
désigne pas nécessairement les ablutions du corps qui seront mentionnées
ailleurs (et auxquelles Chardin applique plutôt le mot netteté), mais plutôt « la maniere honneste, convenable
& bienseante dans les habits, dans les meubles. Il
est d’une grande propreté sur sa personne » (
Académie
,
1718). Les deux mots sont toutefois liés dans un passage de la
Relation d’un voyage du Levant de Tournefort
(Lyon, 1717 ; Catalogue , nº
2764) sur les femmes turques : « Leur propreté est
extraordinaire ; elles se baignent deux fois la semaine & ne
souffrent pas le moindre poil ni la moindre crasse sur leur corps ;
tout cela contribuë fort à leur santé. » (Lettre XIV,
t. II, p. 369). La propreté que réclame Usbek, qui s’oppose
principalement aux « ornements » ou aux parfums qu’évoquent
ses femmes (Lettres 3, 4, 7
), consiste à soigner, mais sans excès, son apparence, au nom du
respect de soi-même et de la société, sans aucune des préoccupations
hygiénistes que suppose le sens moderne du terme.