1
Le mot garde une nuance péjorative : ne parvenant pas à maîtriser sa
pensée, le sujet risque de s’abandonner à de dangereuses chimères. Voir
ces remarques ultérieures de Montesquieu : « […] des gens qui
ont accoutumé leur esprit à voir les raports des nombres ou des figures
de geometrie voyent et trouvent partout des raports, mesurent et
calculent tout […] » (Essai sur les causes
, OC, t. 9, p. 261) ;
« Les principes de la Géométrie sont très-vrais : mais si on
les appliquoit à des choses de goût, on feroit déraisonner la raison
même. » (Défense de L’Esprit des
lois, III e partie ; OC, t. 7, p. 112).
2
Voir Lettre 34 ; sur les
cafés et les nouvellistes, voir Lettre 124et Lettre 126.
3
L’épisode vient de Tite-Live (I, 54) et fait partie de références bien connues de
l’époque. « On remarque que son fils, qu’il avoit maltraité,
s’étoit retiré chez les Gabiens, y acquit beaucoup d’autorité, en donna
avis à Tarquin. Le porteur de cette nouvelle trouva le Roy qui se
promenoit dans un jardin. Ce prince ne luy fit aucune réponse, & se
contenta d’abattre à ses yeux les têtes des pavots qui s’élevoient au
dessus des autres. Le fils auquel on rapporta cette action, entendit
d’abord ce que son pere vouloit dire, & fit couper la tête aux plus
considerables d’entre les Gabiens. » (Moreri,
« Tarquin », 1704, t. V, p. 693 et 1718, t. V,
2 e partie, p. 20
).
4
Voir Lettre 52 et
note 1.
5
« Certaine mesure de la surface des terres, qui est differente selon
les diverses Provinces, & qui est ordinairement de cent perches
quarrées. [...] L’arpent de Paris a cent perches, qui sont deux cens
vingt pieds en quarré. » (Furetière, 1690, art. « Arpent ») ; dix arpents font environ soixante
mètres carrés.
6
Les cadrans solaires trouvaient souvent leur place dans les jardins, mais
s’il faut « démêler » celui-ci, c’est qu’il doit être intégré
à la construction du jardin (qui de toute manière implique beaucoup de
facteurs géométriques) de manière à le dissimuler au regard du vulgaire.
7
« Les heures babyloniques servent à sçavoir combien il y a d’heures
que le soleil est levé sur l’horizon, & combien il reste jusques à
l’autre suivant, ainsi le bout de l’ombre du stile tombant sur la ligne
de 15 heures (par exemple) on est assuré que 15 heures sont passées
depuis le soleil levé ; & qu’il en reste encore 9 jusques au
lever du lendemain pour accomplir les 24 heures du jour entier. »
(Dom Pierre de Sainte-Marie Magdelaine, Traité
d’horlogiographie , Paris, Jean Dupuis, 1665, p. 218 et suiv.). Elles sont donc variables selon les
saisons ; leur inscription dans un cadran solaire serait inattendue
dans un jardin d’agrément : voir les « règles générales pour
la préparation des heures babyloniennes et italiques » dans la Règle horaire universelle pour tracer des cadrans
solaires sur toutes sortes de plans du sieur Haye, ingénieur
(Paris, 1716, p. 75 et suiv.) Montesquieu possédait plusieurs livres traitant
des cadrans et de leur fabrication : voir Catalogue , n os 1661-1664. Les cadrans sont par ailleurs peu connus en
Orient, selon Chardin ; décrivant une sorte d’horloge à eau, il
ajoute : « Cette invention sert aussi à mesurer le tems en Orient. C’est l’ Horloge
& le Cadran unique en plusieurs endroits des
Indes […] » (t. IV, p.
220).
8
Discret hommage au commandant de Guyenne, le maréchal de Berwick, qui
avait assiégé la citadelle dont il obtint la reddition le 18 juin 1719
(cette lettre est datée du 30 juin) ; voir Mémoires du maréchal de Berwik , Paris, 1778,
t. II, p. 298 et suiv. Sur les rapports amicaux de Montesquieu et de
James Fitz-James Stuart (fils naturel de Jacques II), premier duc de
Berwick, gouverneur militaire de Guyenne de 1716 à 1724, dont il
commencera l’éloge après la mort de celui-ci, en 1734, voir Catherine
Volpilhac-Auger, «
Ébauche de l’éloge historique du duc de
Berwick
», Dictionnaire Montesquieu.
9
Il est fait allusion dans le « recueil Desmolets » du Spicilège (n o 8)
aux observations sur les pluies dans le Traité du
mouvement des eaux et des autres corps fluides d’Edme
Mariotte (Paris, Michallet, 1686). Cf. Lettre 94, note 11.
10
Le Ménalque de La Bruyère connaît semblable mésaventure (Les Caractères, « De l’homme »,
p. 359 et suiv.).
11
Autrement dit, chacun en raison de la vitesse et de la masse de l’autre,
conformément à la mécanique cartésienne (Descartes, Principes de la philosophie , II e
partie, § 46-52). En termes newtoniens, ce serait plutôt le
carré de leurs vitesses, mais en 1721, Montesquieu est encore cartésien,
même s’il est déjà nettement « critique » : voir Denis de
Casabianca, « Descartes », Dictionnaire
Montesquieu .
12
Allusion probable à André Dacier, qui avait publié de 1681 à 1689 un
Horace en dix volumes, et qui traduisit aussi Marc-Aurèle, Sophocle,
Platon et Plutarque. Voir aussi ci-dessous note 14.
13
De manière fort semblable, Morvan de Bellegarde (lui-même traducteur)
affirme : « Nôtre Siecle a assez de goût pour les Ouvrages des
anciens ; & c’est rendre un grand service au Public que de les
traduire en nôtre Langue ; il faut du courage pour ne se pas
rebuter d’une occupation si penible & si seche, où l’on est obligé
de renoncer à ses propres pensées, pour ne donner que celles des
autres. » (Réflexions sur l’élégance et la
politesse du style , Paris, André Pralard, 1695, préface) Morvan dit avoir publié plusieurs traductions et
donne dans le même volume ses propres règles de la traduction, aux
pages 425
-437.
14
La critique du géomètre peut viser les belles infidèles largement
répandues au xvii
e siècle, mais elle peut aussi discréditer les
efforts déployés depuis la fin du siècle pour traduire plus
fidèlement les auteurs anciens. Les traducteurs s’étaient
particulièrement acharnés sur Horace, depuis Dacier (dix volumes,
1681-1689), de Bryes (1693), Tarteron (1685, 1700, 1717, 1708) et
finalement l’abbé Pellegrin (1715). La traduction constitue alors, non
plus une création littéraire à part entière, comme au temps de Perrot
d’Ablancourt, mais un exercice nécessaire (pour un public féminin ou de
plus en plus ignorant du latin) et estimable (au xviii
e siècle il ouvrira toujours les portes de
l’Académie française), sans jamais retrouver le prestige d’antan.